Savez-vous d’où vient la citrouille?

Le Petit Larousse définit les cucurbitacées (melon, courge, citrouille) comme «une famille de plantes à tiges rampantes». D’accord, mais d’où vient la tradition d’utiliser les citrouilles pour la fête d’Halloween? Faisons un brin de botanique et d’histoire.

Cucurbita en latin veut dire«courge». Pour en arriver à courge, cucurbita a fait un long voyage dans les bagages des légionnaires romains – partant avec César à la conquête de la Gaule – sous la forme populaire de cucurbica . Et les Romains, qui ne manquaient pas d’humour, transformèrent l’expression ventosa cucurbita désignant une ventouse médicale et, par extension d’une manière péjorative «une tête vide, une tête sans cervelle», par l’expression cucurbitae caput littéralement «tête de courge»! Ce sont les Provençaux du sud de la France qui, avec leur accent, font évoluer cucurbica en cucurla , puis en cocorla et enfin cogorda . Dans sa remontée vers le Nord, l’ablation du «g» va donner le mot coorda (le double o se prononçant «ou» comme en anglais) , lequel va évoluer en cohourde (1246) pour aboutir à cohourge vers le milieu du 14e siècle. Le mot, remontant toujours vers le Nord, va se transformer en courle , puis «courge» en français.

La famille des cucurbitacées comprend 120 genres et un millier d’espèces réparties dans le monde entier, avec parmi les plus connues les Cucumis, Lagenaria, Bryonia , etc., ainsi que les Citrullus . C’est dans ce genre que nous allons trouver la citrouille. Tout repose sur la couleur jaune citron. Citrus , le citron va donner en latin citrium que le toscan va faire évoluer en citriulo. En descendant vers le soleil du sud de l’Italie où les cucurbitacées se trouvent à l’aise, les habitants des Pouilles et de Calabre vont en faire citrulo . Les Normands vont rapatrier le mot – et le fruit – dans le nord de la France sous la forme citrulus vers 1100. En latin médiéval citrolus (1178) donnera «citrole» (1256) .

L’altération du «ole» en «ouille» nous amènera en 1675 à la forme définitive de citrouille, forme sous laquelle elle arriva en Nouvelle-France, bouclant ainsi un tour du monde étonnant! En effet, si l’agronome français, Olivier de serres (1647) fait venir la citrouille du Royaume de Sicile, l’ethnobotaniste Haudricourt nous apprend, lui, que la citrouille (Cucurbita pepo) est originaire de la côte est de l’Amérique du Nord. C’est bien de cette rencontre entre le vieux et le nouveau monde, dans cet extraordinaire voyage de la citrouille que va naître la légende d’Halloween.

Dans le conte Cendrillon , Charles Perrault (1697) raconte qu’une citrouille se transforme en carrosse… Or le bon Charles n’a pas inventé le personnage de «Cendre-illon», il s’agit plutôt de la jeune fille du mercredi des Cendres, le lendemain du Mardi gras, jour où le Carnaval prend fin. Le 31 octobre correspond à la fête celtique du «Jour de Samain», dernier jour des récoltes que l’on célèbre avec une suspension de la Loi communautaire (exactement comme pour le Carnaval) , en libérant fantômes, démons et sorcières, avant de commencer la nouvelle année des Celtes, le 1e novembre. Ces vieux mythes voyageant sur les navires avec les immigrants depuis l’Écosse, l’Irlande et la Bretagne, mais aussi des pays scandinaves, s’en vinrent rencontrer ici sur les bords du Saint-Laurent les traditions des Premières-Nations.

Chez les Iroquois, les femmes fêtaient la fin des récoltes des courges et du blé d’inde par une Fête de la citrouille. À cette occasion, les Mohawks et les Algonquins cuisaient sous les cendres de petites citrouilles évidées en forme de marmites remplies de cidre de pommes sauvages, de miel et de graisse de castor. Lorsque nous fêtons l’Halloween en décorant ou en dégustant des desserts à base de citrouille, parions que peu d’entre nous savent qu’ils remercient par ce rituel de la citrouille les divinités amérindiennes, les plantes et les animaux pour leurs bienfaits!