Dans un précédent article, nous avons présenté, avec l’analyse de votre terrain, les étapes préliminaires de l’aménagement de paysage. Maintenant que vous vous êtes livré à l’exercice d’inventaire, nous vous présentons quelques trucs pour donner à votre futur jardin l’atmosphère et l’esprit désirés.
«Un jardin doit être bien senti»
Même s’il comporte des aspects techniques qu’on ne doit pas négliger, un jardin est d’abord un espace artistique. Un lieu entièrement créé qui peut être comme un cocon, mais qui est avant tout un endroit où il fait bon vivre.» Propriétaire de l’entreprise Art et Jardins, Marie-Andrée Fortier conçoit toujours ses aménagements paysagers selon ces critères.
Et, si on se fie aux nombreux prix qui lui ont été attribués par ses pairs – elle a reçu entre autres le premier prix dans la catégorie «Métamorphose réussie» à l’occasion du dernier gala de l’Association des paysagistes professionnels du Québec, pour la transformation d’un jardin en Montérégie -, il semble que son approche soit juste.
«Un jardin, c’est ce qu’on peut s’offrir de mieux dans la vie : ça nous donne l’occasion de vivre dehors, de respirer les parfums et d’apprécier l’harmonie des couleurs. Quel beau cadeau pour soi… et pour la famille ou les amis.» L’atmosphère naîtra de l’équilibre que vous parviendrez à créer entre la mise en valeur de la maison et son intégration à son environnement.
Dans un premier temps, afin de créer le cadre voulu, il faut identifier les vues à cacher et celles à conserver. «À la ville comme à la campagne, il est essentiel de se sentir chez soi», explique Marie-Andrée Fortier. C’est le moment de penser aux clôtures et autres séparations, mais aussi aux passages qui vont de l’avant vers l’arrière de la maison (pour les trottoirs, vous devez compter une largeur d’au plus 1, 2 m) . On doit aussi identifier clairement les aires de circulation, les aires de repos et celles dédiées aux activités.
Planter le décor
Pour le choix des matériaux inertes – trottoirs, stationnement, etc. -, on pense à la qualité. Et il faut agir avec modération. Ne suivez pas trop les modes : vous risquez de vous en lasser rapidement. Privilégiez des matériaux qui vieillissent bien, qui sont résistants, faciles d’entretien et d’une teinte sobre. Surtout, essayez d’assortir le tout aux couleurs et matériaux de la maison.
Commencez aussi à penser aux lignes générales de votre jardin. «Lorsqu’on désire créer un aménagement d’aspect naturel, empreint de poésie et de romantisme, il est préférable d’employer des lignes sinueuses», expliquait l’horticulteur Albert Mondor dans nos pages en avril 2006. «Même si les lignes plus formelles et les jardins symétriques sont parfois boudés, on apprend à aimer ces magnifiques lignes pures et ces angles droits d’où peuvent sortir une profusion de branches et de fleurs, un plant érigé ou un point focal», complète Marie-Andrée Fortier.
Une charpente solide
En partant de là, on élabore la structure verticale du jardin. «Tout ce qui est vertical, donc tout ce qui est à la hauteur des yeux quand on est assis ou debout, constitue le squelette du jardin. Hiver comme été, ces formes érigées font partie de notre paysage. Elles repoussent les profondeurs, agrandissent l’espace et donnent une perspective nouvelle au jardin», explique Marie-Andrée Fortier.
On commence par penser aux arbres et arbustes . Vous pouvez choisir de préserver ceux en place, de les déplacer ou d’en planter de nouveaux. Vous avez d’importants travaux de construction à effectuer? Demandez à l’entrepreneur de faire attention aux arbres existants. Il pourra poser des planches autour des troncs – ceux-ci sortent rarement indemnes d’un choc avec une pelleteuse – et établir un périmètre de sécurité pour éviter le compactage du sol et des racines.
«Si vous désirez conserver un boisé complet, contentez-vous de couper les arbres morts et malades, recommande Albert Mondor. Ceux qui restent se soutiendront les uns les autres en cas d’intempéries, d’autant que les jeunes arbres résistent mieux que les vieux aux changements environnementaux.» On pense ensuite aux haies et aux clôtures, qui font également partie du squelette. Elles jouent différents rôles : en plus d’établir les limites et de diviser les espaces, elles créent facilement un effet de profondeur si elles sont choisies dans des couleurs pâles.
Les plantations près des murs de la maison doivent en être éloignées d’une distance correspondant à la largeur de l’avancée du toit ou de la corniche.
«Trop près, elles manqueraient d’eau et d’espace pour se développer adéquatement. Près d’un mur au nord, elles manqueraient de soleil alors que, près d’un mur au sud, elles seraient affectées par la chaleur intense réfléchie par le revêtement de la maison», signale Albert Mondor.
Si vous décidez d’ajouter de nouveaux arbres, il faut prendre le temps de bien les choisir. Le choix des arbres est un art à part entière, auquel vous vous livrerez avec joie si vous connaissez quelques petits détails. Quand ils arborent un port fastigié, ils créent un effet de perspective et donnent une impression de hauteur. Les arbres colonnaires, par exemple, ajoutent du dynamisme à l’aménagement et incitent moins à la détente que ceux au port étalé, qui prennent une ampleur horizontale.
En façade, là aussi, les arbres au port fastigié composent un véritable décor. Comme au jardin, ils soulignent la perspective, accentuent la profondeur ou amplifient l’impression de hauteur. «Du coup, on peut les choisir sans problème pour les façades des maisons très hautes ou très modernes. Plantés en ligne ou en série, ils donnent un style plus contemporain. De leur côté, les arbres aux formes étalées conviennent mieux aux maisons basses, complète Albert Mondor. Dans tous les cas, il est préférable d’éviter les arbres à grand déploiement, qui risqueraient de dissimuler, voire d’écraser les demeures par leur disproportion.»
Chaque détail a son importance
ne fois l’ossature posée, il reste à penser à la chair et aux muscles, c’est-à -dire aux végétaux. Il est toujours plus simple de choisir des plantes bien adaptées aux conditions environnementales du jardin : non seulement elles demandent moins de soins, mais leur entretien est plus facile. Si vous tenez absolument à intégrer une plante moins bien adaptée, il vous faudra modifier les conditions du sol en conséquence. Cette opération exige temps, argent et énergie, sans garantir le plein succès.
Aussi, il faut s’assurer que les végétaux sélectionnés forment un tout équilibré. «Rien ne manque plus d’harmonie qu’un jardin où se côtoient pêle-mêle des plantes tropicales ou méditerranéennes et des végétaux de milieux forestiers tempérés», précise Albert Mondor. Les plantes choisies serviront entre autres à lier la maison au reste de l’aménagement. Par exemple, «on peut adoucir les formes symétriques de certaines constructions en les bordant de plantations exubérantes et abondantes», poursuit l’horticulteur. Mais, là encore, la pondération a bien meilleur goût.
Le plus simple est de commencer par des arbustes et vivaces à feuillage décoratif : ils restent intéressants plus longtemps et réclament moins d’entretien. Ces plantes deviendront le pivot des plates-bandes fleuries. À garder en tête : «Les gros feuillages nous apparaissent plus proches, et les feuillages fins suggèrent le mystère, note Marie-Andrée Fortier. Les deux côte à côte sont jolis, mais pas essentiels. En aménagement, tout est possible. Il n’y a pas de recette secrète, seulement des compositions, comme si vous peigniez un tableau.»
Créer l’atmosphère
Maintenant que vous avez imaginé la trame de votre jardin, il reste à l’habiller avec style, à créer l’ambiance désirée. En plus de donner un effet de continuité et de lier les différentes parties du terrain, la répétition d’une forme, d’une couleur ou d’une texture lui donnera de la personnalité. Votre jardin ne ressemblera pas à celui du voisin. Par contre, vous pouvez utiliser les jardins mitoyens du vôtre : les jardiniers japonais appellent cette approche holistique le «paysage emprunté». Vous vous laissez inspirer par le boisé, la butte rocheuse, les bâtiments de l’autre côté de la clôture pour prolonger votre jardin et lui donner un esprit d’unité. Une cohérence harmonieuse s’en dégagera.
Dernier élément : les ornements. Les sculptures, fontaines, dallages, miroirs, etc., sont assurément les éléments du jardin qui vous ressemblent le plus. Ils sont là pour attirer le regard, embellir les lieux, évoquer des souvenirs. «Dans ce domaine, il y a beaucoup de choix. Imaginez un jardin classique avec de belles urnes en pierre et un bronze au détour d’un sentier. Imaginez ce même jardin avec une sculpture moderne en aluminium et des pots en plastique orange. Un mélange tout aussi beau, mais d’une allure bien différente. Quand on choisit les ornements, on le fait avec notre cœur, sans oublier la beauté des formes, des matériaux et des couleurs», conclut Marie-Andrée Fortier. Maintenant, à vos croquis!
Prochaine étape : jouer avec les couleurs, les volumes et les formes.