Jardin: intégrer pierres, bois et béton

Difficile d’imaginer un jardin sans matériaux inertes : ils sont un élément essentiel du décor. Lesquels choisir? Des professionnels nous livrent leurs secrets pour d’heureux mariages.

«Si nous laissons au végétal une place de choix dans nos jardins, c’est à la matière inerte que nous confions le plus souvent les aires de circulation, de repos, de réunion et de détente, précise Marie-Andrée Fortier, propriétaire d’Art & Jardins. Inerte mais pas sans voix! Pierre, gravillon, bois et pavés de béton texturent et rythment nos espaces. Un jardin, c’est pour la vie. Il faut le concevoir en ce sens et choisir des matériaux qui passeront l’épreuve du temps.» Même si on croit qu’un aménagement paysager est plus végétal que construit, l’intégration des matériaux inertes n’y joue pas moins un rôle capital : il suffit parfois d’un détail, d’une couleur, d’une texture, pour créer un espace harmonieux. À l’inverse, un mauvais choix peut s’avérer désastreux. «S’il y a une règle à respecter en aménagement paysager, c’est celle de concevoir un jardin en accord avec l’architecture de la maison, avec les goûts et les besoins des gens pour créer un tout harmonieux», ajoute Marie-Andrée Fortier.

Critères de choix

Pour obtenir cette harmonie des couleurs et des textures, les matériaux doivent donc répondre à certaines considérations pratiques et esthétiques. Dans les aires de circulation, par exemple, on recherche un revêtement de sol stable, résistant à l’usure du temps, aux intempéries, aux effets du gel et du dégel, offrant une bonne adhérence et une facilité d’entretien, hiver comme été. La couleur et le fini doivent se fondre à l’ensemble, pour créer une ambiance et donner au lieu un caractère particulier, une identité propre. Puisque ces matériaux sont là pour durer, ça vaut le coup de les sélectionner avec discernement.

«L’important, c’est de trouver un matériau qui s’agence à la résidence, affirme Isabelle Nadeau, architecte de paysage chez Les Artisans du Paysage. Les gens sont souvent tentés de copier le jardin du voisin et ça ne donne pas toujours des mariages heureux. Je conseille toujours à mes clients de se rendre chez le marchand pour toucher les matériaux et voir leur couleur à la lumière du jour. Elle diffère parfois des échantillons en catalogue.»

Le pavé de béton

Offert dans une grande variété de formes et de couleurs, le pavé de béton n’a plus à justifier sa popularité auprès des propriétaires, qui le préfèrent pour l’entrée d’auto et l’aire de stationnement. Durable, résistant aux gels et dégels successifs ainsi qu’aux sels de déglaçage, il est apprécié pour son coût abordable et sa pose facile.

Depuis leur apparition, les blocs de soutènement en béton, tout comme les pavés, ont évolué de manière à satisfaire des besoins toujours plus variés. Aux premiers blocs, de facture plutôt grossière, ont succédé des modules à façade éclatée, amincis et allongés, et des formats qui ont donné aux constructions plus de mobilité et de finition. Les catalogues des fabricants regorgent de suggestions quant aux styles, motifs et combinaisons de couleurs, allant des plus sobres aux plus sophistiqués. Certains fabricants proposent même des revêtements de sol assortis. Plus d’erreurs possibles, vos patios et terrasses s’harmoniseront à coup sûr avec votre demeure!

Le béton coulé

Surtout utilisé par les professionnels, le béton coulé intéresse Marie-Andrée Fortier. «Je préfère le béton coulé à l’état brut aux structures reconstituées. Je n’aime pas quand on tente d’imiter la pierre.» Dans une installation intitulée Le Salon vert , présentée l’été dernier à l’International Flora, son équipe avait d’ailleurs fait une place de choix au béton en fabriquant des fauteuils et des sofas bordés d’un mur de plantations verdoyantes.

La pierre naturelle

Taillée ou non, la pierre naturelle jouit toujours d’un statut particulier : ses qualités en font le choix de prédilection pour les sentiers piétonniers et les patios. Elle demeure la réponse idéale aux préoccupations esthétiques et le matériau privilégié de l’expression artistique. «J’aime la pierre, toutes les sortes de pierres, raconte Marie-Andrée Fortier. Je trouve qu’elle vieillit bien. Elle prend une patine avec le temps qu’on ne peut pas imiter.» On trouve surtout de la silice, du granit et de l’ardoise, qui peuvent être bruts, taillés ou sciés. Plus coûteuse que le pavé de béton, la pierre est offerte en plusieurs épaisseurs : les pierres les plus minces – 3/4 à 2 po — sont réservées aux patios et trottoirs, tandis que les plus épaisses – 4, 6, 8 et 10 po — servent généralement à la confection de murets ou de marches. Elle est vendue au poids (livre ou tonne) — le prix à la tonne étant nettement plus économique.

Pour les pavés comme pour les murets, il existe deux formes d’assemblage, la plus simple consiste à remplir les joints de gravier ou de verdure pour les surfaces horizontales ou de sphaigne pour les surfaces verticales (murets de pierre secs) . La deuxième, beaucoup plus chère relève de la maçonnerie, implique le coulage d’une dalle de béton et un jointoiement de même type.

Pour concevoir un patio de pierres plates, il vaut mieux choisir les pierres les plus grandes possible, explique Isabelle Nadeau. En réduisant le nombre de joints, il y a moins de risques d’y coincer une patte de chaise et de se retrouver avec un mobilier bancal. Si on désire cultiver du gazon ou des couvre-sol entre les pierres d’un patio ou d’un sentier, la spécialiste suggère de laisser un espace d’au moins 10 cm entre les pierres, sans quoi le gazon sèche et jaunit. D’ailleurs, dans une cour exiguë, elle a tenté le duo pierres plates (silice) et pierres de rocaille . «En insérant des joints de gazon à travers les pierres plates, on obtenait un jardin qui restait vert», affirme-t-elle. L’architecte de paysage a aussi utilisé deux matières pour délimiter l’espace autour d’une piscine.

Avec le pavage formel et les pierres de silice, elle a créé des aires aux usages différents. La surprise : le thym odorant planté dans les joints entre les pierres plates. S’ajoutent les pierres de rocaille . Souvent très lourdes, ces pierres d’épaisseurs et de largeurs variables ne peuvent être transportées à mains nues. Il faut donc une petite pelle mécanique pour les manipuler, prévient Isabelle Nadeau.

Le bois

Malheureusement boudé par plusieurs, le bois reste le matériau préféré d’Isabelle Nadeau. «J’aime bien travailler avec le bois, plus particulièrement le cèdre. C’est un matériau chaleureux, durable et qui demande peu d’entretien.» Facile à trouver, il est surtout utilisé pour les balcons et les terrasses, ou encore là où le poids est un obstacle. Il sert également à construire les structures décoratives verticales – tonnelle, pergola .

Textures et contrastes

Dans ses projets, Marie-Andrée Fortier n’hésite pas à mêler les matières – pierre, béton, etc. Par exemple, dans une allée bordée de rhododendrons, elle a combiné du gravillon à des dalles de béton disposées par quatre. Le motif géométrique, simple et épuré, annonce le caractère du jardin : sobre, intime. C’est toutefois le contraste des matières qui crée l’intérêt. Le gravillon met en valeur la surface lisse des dalles de béton et stimule d’autres sens que la photo, muette, ne peut malheureusement communiquer. «C’est une matière intéressante au niveau sonore : il craque sous le pied quand on marche. Il est aussi abordable et facile à installer.»

C’est la pierre qui est plutôt à la base du projet Solamente una vida , réalisé par l’équipe de Stuart Webster Design à l’International Flora 2006. «Dans ce jardin résolument urbain, on voulait utiliser le plus possible la pierre naturelle et la jouer tout en contrastes, explique Stuart Webster. L’aspect très lisse de la pierre de l’escalier s’oppose à la texture brute des murets.» Une simple coupe peut créer un effet saisissant.

La pierre calcaire (Eramosa) aux angles naturels qui a servi pour le podium nervuré de plantes rampantes est exactement la même que celle des marches : l’une est guillotinée, l’autre taillée. «J’adore cette pierre à cause de ses petites veines beiges et brunes, ajoute-t-il. Mouillée, elle change d’aspect et de couleur, et ses marbrures ressortent vraiment. J’aime l’idée d’une pierre qui change avec le temps qu’il fait.»

Truc de pro

Isabelle Nadeau suggère d’utiliser le même matériau, mais de le traiter différemment, pour diviser les différentes zones du jardin tout en y créant de l’unité et du dynamisme. On peut varier : la taille des morceaux pour donner l’impression d’un espace plus grand ou plus petit; la taille des joints pour combler l’espace entre les pierres de plantes rampantes ou de gravier; le sens de la pose pour orienter le regard vers un point d’intérêt
Merci à Marie-Andrée Fortier – Art & Jardins , à Isabelle Nadeau – Les Artisans du Paysage et à Stuart Webster Design pour leur généreuse collaboration.

Recherche Anne-Marie Presne et Danielle Mineau